Évaluations et programmes « clés en main » : l’école au format industriel ?

La nouvelle ministre de l'Éducation nationale voit la vie en rose. À l'entendre, les dernières évaluations nationales sont un véritable conte de fées, avec leurs "résultats très encourageants". Mais comme dans tout bon conte, il faut savoir lire entre les lignes.

Petit cours de mathématiques ministérielles : lorsqu’on compare les résultats de 2024 à ceux de 2020 (année du confinement), la progression semble effectivement spectaculaire. C’est un peu comme se réjouir d’avoir retrouvé son poids de forme après une grippe carabinée – pas vraiment une prouesse !

La réalité est plus modeste : une progression de 3,8 points en fluence entre 2019 et 2024 (de 72,6% à 76%), et une timide hausse de 2,5% en mathématiques. Ces résultats, certes positifs, doivent être mis en perspective avec une scolarité perturbée par le COVID en maternelle pour l’ensemble des élèves concernés.

La ministre souligne, à juste titre, l’impact positif de la réduction des effectifs dans les classes. Une évidence quand on sait qu’un enfant a besoin de s’exprimer, manipuler et expérimenter pour apprendre. Mais comment faire manipuler 28-30 élèves de CP en même temps dans une classe ! C’est un peu comme essayer d’organiser un cours de natation dans une piscine gonflable… Tel est pourtant le quotidien de nombreux enseignants travaillant hors REP.

Le paradoxe de l’Éducation nationale se résume ainsi : on demande aux enseignants d’être à la fois des experts capables d’adapter leur pédagogie aux besoins de chaque élève, tout en leur imposant des manuels et des programmes standardisés. Cherchez l’erreur !

Et le Ministère persiste dans ses contradictions pour l’année à venir : manuels labellisés en CP et en CE1 (zones REP et zones rurales), programmes prémâchés où tout est prédéfini …

Où trouve-t-on la réponse adaptée aux besoins spécifiques de chaque élève ?. Mais voilà, il faut rassurer les parents, agiter le spectre d’une liberté pédagogique qui pourrait engendrer le pire…

Pour une école qui fonctionne vraiment, voici ce dont nous avons besoin :

1. Des effectifs réduits dans toutes les classes ;

2. Un recrutement d’AESH avec une vraie revalorisation salariale permettant à tous les élèves éligibles de bénéficier effectivement de cette prise en charge ;

3. Un renforcement significatif des RASED pour répondre aux besoins spécifiques de certains élèves ;

4. Des psychologues scolaires et infirmières en nombre suffisant, avec des territoires adaptés (si la profession n’attire plus, c’est d’abord en raison de conditions de travail considérablement dégradées) ;

5. Une véritable autonomie pédagogique pour les enseignants, fondée sur une formation initiale solide, une formation continue correspondant à leurs besoins et une reconnaissance réelle de l’Institution : stop à l’infantilisation qui va de pair avec le dénigrement !

6. Des moyens matériels adaptés aux besoins réels des classes.

En définitive, ce qui fait la réussite d’une école ne se mesure pas dans des tableaux Excel : c’est avant la combinaison d’élèves sereins dans leurs apprentissages et d’enseignants respectés dans leur expertise.