Enseignant : conditions de travail, attractivité, l’Europe sur le même diapason !

A l’occasion du Conseil Syndical Européen de l’Éducation, le Sgen-CFDT a pris connaissance de deux études autour des conditions de travail et du bien-être enseignant. L’occasion de regarder ailleurs en Europe comment est vécu le métier d'enseignant.

Eurydice, réseau européen qui s’intéresse aux systèmes éducatifs vient de sortir le rapport 2020 autour de la condition du métier d’enseignant.
Ce document, mis en corrélation avec l’étude Talis 2018 de l’OCDE, montre bien en quoi les problématiques du métier ne peuvent se résumer à l’unique question des salaires.

Avec 27 % en moyenne d’enseignants qui démissionnent en Europe dans les dix premières années après leur titularisation, c’est bien l’attractivité du métier mais aussi la fidélisation des agents qui sont au cœur des préoccupations au sein des différents systèmes éducatifs européens.

Un métier d’enseignant qui n’attire plus

Car il faut bien le reconnaître, partout en Europe, le métier d’enseignant n’attire plus.
Au Portugal par exemple, la moyenne d’âge des enseignants en exercice est supérieure à 50 ans et malgré les offres d’emploi publiées par le Ministère, peu de candidats se présentent. Pire, dans ce pays, des enseignants démissionnent pour préférer se diriger vers le commerce. Dans un pays où l’installation à demeure de touristes dans le sud fait grimper le prix de l’immobilier rendant difficile le logement des locaux, on note ici ou là des déserts éducatifs faute d’enseignants qualifiés.
Une situation qui n’est pas unique et que l’on peut retrouver en Irlande et bien-sûr en France.

Pour compenser ces situations, les États recrutent en masse de plus en plus importante des contractuels précarisant un peu plus la profession.

Alors pourquoi cette désaffection ?

enseignant
Le métier d’enseignant manque cruellement d’attractivité

C’est avant tout le stress au travail pour 57 % des enseignants européens en moyenne qui en est la cause, un stress provoqué avant tout par les tâches administratives (suivi de cohorte, planification des évaluations, compte rendu de réunions, relevé d’incidents…).
Juste derrière vient l’adaptation aux réformes et au manque de continuité des politiques publiques.
Les enseignants européens ont ainsi le sentiment d’être dans une adaptation permanente à de nouvelles consignes et surtout sont dans l’incapacité de peser leur mise en œuvre.
Cette situation est renforcée quand le pilotage procède par de l’injonction rendant tout phénomène de feed-back caduque.

Comment dès lors s’approprier son métier notamment en début de carrière quand, dans le même temps, certains, à plusieurs niveaux, dénient la professionnalité des enseignants ne les rendant qu’exécutant de leur propre métier ou de la mise en œuvre d’un projet décidé ailleurs ?

Mais ce n’est pas tout

Les deux enquêtes montrent que l’évaluation a un impact plus ou moins positif sur le bien-être enseignant.
Si 67 % des enseignants européens disent vivre cette évaluation positivement, il ne sont que 53 % en France mettant notre pays parmi les derniers de la classe.
L’infantilisation, le manque de feed-back notamment sur les marqueurs positifs du travail de l’enseignant en sont les causes principales.
La France est d’autre part l’un des derniers pays européens à ne pratiquer que de l’évaluation individuelle alors que la plupart des pays effectuent des évaluations collectives basées sur un projet construit par l’équipe pédagogique et qui sert de support à cette évaluation. Dès lors, l’enseignant ne se sent pas jugé individuellement mais au sein d’un collectif de travail porteur d’un projet qui dépasse la propre pratique pédagogique d’un seul individu.

Un temps de travail dont toutes les dimensions ne sont pas reconnues

L’enseignant est aujourd’hui dans une position sociale dévalorisée par rapport à d’autres métiers dont le niveau de recrutement est identique, une constante européenne de ce côté.
Cette situation est également provoquée par la méconnaissance du grand public des différentes dimensions horaires que comportent le métier. Si l’on découpe le temps de travail enseignant, 47 % est consacré à l’enseignement devant élèves proprement dit. 25 % autre permettent à l’enseignant de planifier, préparer ou évaluer le travail des élèves. Les 28 % restant sont la partie immergée de l’iceberg et souvent peu connu du grand public mais également non reconnu par l’Institution.
Ce travail invisible consacré aux relations familles, aux réunions d’orientation, à la réflexion entre collègues est pourtant essentiel à l’exercice du métier.
Dès lors quand on rapporte le temps réellement travaillé au salaire surtout en début de carrière, pas étonnant que beaucoup soit démissionnent, soit choisissent une autre voie.

Côté salaire des disparités importantesDes disparités sur le métier d'enseignant mais des constantes sur les conditions de travail et le temps de travail.

SI les différences salariales en Europe sont connues, la France étant à ce titre en queue de peloton pour la rémunération des enseignants notamment ceux exerçant dans le premier degré, c’est avant tout en début de carrière que la rémunération enseignante est faible.
D’autre part, l’évolution en Europe au cours de la carrière est souvent lente avec souvent une accélération intervenant sur les dix dernières années d’exercice.
Pour un entrant dans le métier, difficile de se dire qu’il lui faudra attendre trente ans pour gagner un salaire à la hauteur de son niveau d’études qui, pour 50 % des pays européens se situent au niveau du master (38 % recrutant encore au niveau du bac).
Dès lors, à la fois pour compenser le manque d’enseignant mais aussi pour permettre une rémunération plus conséquente, les États proposent aux équipes pédagogiques de bénéficier d’heures supplémentaires, chose que beaucoup d’organisations syndicales européennes refusent.

Ainsi en Pologne, le gouvernement a décidé d’augmenter le salaire des enseignants de 25 % mais en leur demandant de travailler 50 % de temps en plus, une négociation inacceptable.

Une carrière qui doit ouvrir des portes

D’autre part, beaucoup de systèmes européens ne donnent aucune perspective d’évolution de carrière, ne permettant pas aux enseignants de changer de rôle dans leur parcours professionnel.
La France est à ce titre un bon élève selon l’étude en laissant aux enseignants la possibilité d’évoluer vers des métiers d’encadrement, de gestion pour ceux qui le veulent.
Un bémol cependant, le manque de reconnaissance par une certification des compétences acquises au cours de la carrière qui permettrait certainement à des enseignants d’accéder à des évolutions de carrière plus intéressante notamment en terme de valorisation de l’expérience.

Il paraît donc important de baliser le parcours professionnel d’un enseignant de formation certifiante lui permettant ainsi d’ouvrir des horizons professionnels différents.

Face à ces constats, que faire ?

Devant cette convergence européenne, le Conseil Syndical Européen de l’Éducation a décidé de se fixer une feuille de route pour les trois années à venir autour de différents leviers. Objectif : favoriser l’attractivité du métier, fidéliser les enseignants et développer le dialogue social au plus près du terrain.
Parmi les axes retenus, on peut noter :

  • Travailler sur les salaires avec des programmes à court terme mais aussi à plus long terme pour donner de la visibilité. Revaloriser les début de carrière pour fidéliser.
  • Avoir des gouvernants lucides sur les contenus de formation initiale mais aussi avoir de véritables offres de formations continues basées sur les besoins de équipes avec une autonomie importante
  • Former le pilote, le manager à un pilotage rendant possible le feed-back et ne déniant pas les compétences de l’agent. Sortir de l’injonctif et être dans le participatif.
  • Travailler l’accompagnement des jeunes enseignants au sein des écoles et établissements (accompagnement par des pairs en proximité, temps d’analyse de pratiques, co-teaching…).
  • Proposer des programmes de recrutement à long terme du métier et sortir du coup par coup
  • Mieux accompagner tout au long de la carrière notamment en valorisant les compétences acquises ce qui doit permettre de fidéliser l’agent.

Le Sgen-CFDT, qui appartient au CSEE, ne peut qu’adhérer aux principes retenus et entend les faire valoir à son niveau au sein de notre pays. L’Europe doit aussi se construire grâce à l’éducation.