Les mesures envisagées pour la rentrée ont provoqué le mécontentement de tous les acteurs de la communauté scolaire.
Le comité départemental de l’Education nationale s’est réuni le 10 mars au lycée pierre Gilles de Gennes à Digne sous la présidence de la Préfète du Département et du DASEN. Pour l’anecdote, il devait initialement se tenir en visioconférence le 17 février, mais les problèmes techniques se sont vite révélés insurmontables. Convoquer une « vraie » réunion était donc indispensable. De quoi faire réfléchir, à l’heure où tous les établissements organisent CA et conseils de classe derrière les écrans : la qualité des échanges et l’exercice de la démocratie gagnent-ils à la généralisation du « distanciel » ?
Il s’agissait ce matin-là de présenter la carte scolaire pour le 1er degré, ainsi que les moyens alloués aux collèges. Ambiance : à l’entrée du lycée, une délégation d’élus, de parents d’élèves, de professeurs manifestait son opposition à des fermetures de classes dans des écoles proches.
Une incompréhension décevante
Je retiens de ces cinq heures de réunion une incompréhension désolante. Nous avons entendu le discours rassurant de l’institution, soulignant à quel point notre département est « privilégié » ou plutôt « préservé » : le Recteur est très attentif à ses difficultés, et puis il y a le « plan ruralité » – bref, quelle chance ! Et chiffres à l’appui de montrer que telle fermeture de classe dans telle école est tout à fait normale et ne nuira pas à la qualité de l’enseignement. Enfin, quoi : les effectifs baissent, mais les moyens restent constants, qui trouverait à se plaindre ?
Et pourtant : représentants des élus, des personnels et des parents dénoncent une gestion purement financière et un calcul des besoins qui masque une insuffisance de moyens et une ignorance des réalités du terrain.
Une moyenne de 20 élèves par classe dans les écoles élémentaires, recouvre en fait dans notre département des réalités si différentes. Que signifie cette moyenne lorsque pour une école rurale accueillant deux classes de 15 élèves, telle école en milieu urbain verra dans le même temps ses effectifs monter à 28 ? L’enseignement en classe multiniveau permet-il vraiment le même accompagnement des enfants ? Les critères pour l’enseignement prioritaire sont-ils fiables ? Les difficultés propres au milieu rural sont rarement prises en compte ; et se baser sur la carte scolaire a-t-il un sens quand un collège, dont de nombreux élèves des « beaux quartiers » sont scolarisés dans une école privée, accueille en réalité une écrasante majorité d’élèves issus de milieux défavorisés ?
Peut-on garantir aux enseignants de bonnes conditions de travail et par là-même l’enseignement le meilleur possible aux élèves si on remplace, et abusivement, des heures poste par des heures supplémentaires ? Cela aboutit – et pour une rétribution moindre – à alourdir la charge de travail des professeurs. Et que faire des heures non absorbées à part les attribuer à des personnels précaires ou en service partagé ? Enfin, l’institution reste discrète sur les dispositifs de remplacements prévus, alors que nous constatons, pandémie oblige, une multiplication des absences de plusieurs semaines non compensées.
Des chiffres en trompe l’œil dont personne n’est dupe
Et puis il y a la manière : notre ministre avait claironné l’an dernier qu’il n’y aurait pas de fermetures de classes en élémentaire sans l’accord des maires. Or on a appris aux élus présents que le même ministre a déclaré récemment devant l’Assemblée – de manière plus discrète il est vrai – que cela ne concernait que la rentrée 2020…
Une telle réunion, bien sûr, est toujours un petit théâtre ou chacun joue son rôle. Tel collègue, au nom de son syndicat, s’opposera comme d’habitude, avec plus ou moins d’effets de manche et selon un discours bien rôdé, au discours de l’institution quel qu’il soit. Tel élu dénoncera le parisianisme de l’administration qui ne comprend rien à la réalité des territoires. Mais au-delà des positions convenues et des orientations de principe, le constat est unanime : le DASEN peut bien faire ce qu’il peut, et prendre honnêtement les décisions qu’il a à prendre, que faire quand on n’a que la pénurie à gérer ? Et peut-on accepter le discours du « c’est pire ailleurs » qui devient le seul argument de l’institution ?
Résultat du vote : 21 voix contre, 3 pour (les seules voix de l’institution), pas d’abstention.