Une rentrée tout sauf « normale », une année à construire ensemble

De la maternelle à l’Université, la rentrée 2020 ne fut pas une « rentrée normale ». Exceptionnelle, nécessaire, attendue, incertaine, confuse, physique, mais certainement pas « normale ».

Une rentrée qui génère des interrogations et des sentiments contradictoires

La multiplicité des adjectifs qui nous viennent à l’esprit pour la décrire est à l’image des interrogations que vivent tous les personnels de l’Education Nationale et des sentiments contradictoires qui les habitent. S’il ne fait aucun doute pour le Sgen-CFDT Provence Alpes qu’il fallait faire cette rentrée et que le retour de tous les élèves sur les bancs de l’école est une priorité, il est indéniable que les difficultés sont nombreuses et que la pression qui pèse sur les épaules de tous les agents du service public d’éducation est sans commune mesure avec ce que nous avons pu vivre auparavant.

L’incertitude face à l’avenir et l’évolution rapide du contexte sanitaire comme des connaissances sur la maladie nous obligent tous à une certaine humilité. Hors de question pour le Sgen-CFDT de distribuer des bons et des mauvais points ni de tomber dans la tentation facile de réécrire l’histoire après coup, cependant nous sommes convaincus que nous ne pourrons faire l’économie d’un véritable bilan des dysfonctionnements de notre système éducatif comme de ses capacités de résilience.

Des carences mises en lumière par le COVID

A l’image de l’hôpital, la crise du COVID a mis en lumière de manière crue des carences et des faiblesses qui n’ont pas attendu l’apparition d’un nouveau coronavirus pour exister. C’est dans un contexte déjà bien morose pour l’École que nous a surpris cette crise. En effet, comment convaincre nos élèves et étudiants de respecter les gestes barrières quand le savon était absent depuis des années de tant de sanitaires ? Comment opérer la distanciation physique quand les effectifs s’alourdissent d’années en années et que les salles de cours sont déjà bien exiguës en temps normal ? Comment assurer un protocole d’hygiène quand le sous effectif est depuis si longtemps un mal chronique chez les agents des collectivités territoriales ?

Face à l’urgence, il faut saluer la mobilisation de tous ceux qui ont permis à notre École d’affronter la tempête. Si nous avons déjà souligné le travail exceptionnel fourni par les enseignants, nous tenons à saluer particulièrement aussi l’engagement des personnels de direction et des directeurs d’école, celui des services administratifs sans oublier celui des personnels des CROUS. Une pensée aussi pour les personnels de Vie Scolaire qui sont actuellement souvent en première ligne pour faire respecter le protocole sanitaire.

Une incompréhension qui se mue en défiance

Si nous nous félicitons que certaines collectivités locales aient pleinement pris partie à cet effort, notamment en terme de recrutement d’agents, comme le CD13 nous regrettons que d’autres comme la Région PACA ne se montrent pas à la hauteur des enjeux hors des caméras. A Aix Marseille Université, nous avons réclamé sans succès dès le 15 août un CHSCT extraordinaire pour anticiper la rentrée. Les conditions malheureusement très dégradées de cette rentrée universitaire nous font regretter que celui-ci ait été refusé et nous interrogent sur la volonté de la présidence de mettre tout en œuvre pour assurer les meilleures conditions de travail des enseignants comme des étudiants.

De même nous nous déplorons le grand écart entre la période du confinement marquée par une volonté généralisée de bienveillance, de protection des agents, d’écoute et de dialogue avec les corps intermédiaires et une rentrée trop peu guidée par ces principes et cette méthode. Le décalage entre les annonces des discours télévisés et la réalité vécue sur le terrain engendre une incompréhension légitime qui tend à se muer en défiance. Nous pensons que les circonstances actuelles sont trop graves pour se permettre d’entamer encore un peu plus le lien de confiance essentiel et déjà bien affaibli entre notre institution et ses agents.

Moins d’injonctions, faire confiance aux équipes

Face aux défis qui nous attendent, nous ne pouvons nous contenter d’injonctions descendantes et nous réaffirmons qu’il faut faire confiance à l’intelligence collective des équipes locales pour adapter à la réalité du terrain le cadre national. Nous proposons donc de :

  • prendre le temps de réaliser localement un bilan de l’enseignement distanciel
  • se donner les moyens d’anticiper les contingences locales afin de ne pas partir de nouveau en ordre dispersé
  • réfléchir concrètement à la manière de proposer un enseignement distanciel qui ne soit pas un simple pis aller
  • clarifier le terme de « continuité pédagogique » notamment en terme d’ORS, de compensations pour le travail supplémentaire et de droit à la déconnexion.
  • favoriser dans tous les services administratifs le recours au télétravail pour limiter les contacts
  • veiller à la plus grande transparence possible sur la gestions des cas de COVID dans les écoles et les établissements scolaires.
  • exiger des collectivités territoriales qu’elles abondent les budgets à la hauteur des dépenses exceptionnelles engendrées par les mesures sanitaires
  • prendre en compte les circonstances exceptionnelles pour desserrer la pression de programmes déjà difficiles à boucler en temps normaux
  • améliorer la communication sur les procédures afin que tous les agents bénéficient du même niveau d’information
  • se doter du personnel médical à la hauteur de la crise : recrutement d’infimier-e-s dans tous les établissements scolaires, abonder massivement les moyens de la médecine de prévention.
  • différencier clairement ce qui relève des protocoles obligatoires des simples recommandations dans un souci de clarifier les responsabilités de chacun

Par ailleurs, nous souhaitons des éclaircissements sur l’état des capacités de remplacement et le recrutement des AESH.

Le besoin de se projeter dans l’avenir après la rentrée

Plus généralement, les personnels ont besoin de se projeter dans l’avenir pour donner du sens à leur travail. Si nous comprenons que l’état de circulation du virus nécessite de s’adapter en permanence au contexte sanitaire nous demandons à éviter les changements de cap incessants. Il est donc nécessaire par exemple de connaître à l’avance les conditions nécessaires qui entraînent l’annulation ou le rétablissement des activités comme les sorties pédagogiques ou encore le déclenchement des scénarios 1 et 2 du plan de continuité pédagogique de juillet 2020. Cette incertitude permanente contribue à créer un climat d’anxiété peu propice à l’accomplissement de nos missions et induit une fatigue physique et psychologique importante chez tous les personnels.

Nous réitérons notre attachement au service public d’éducation et sommes conscients de toutes ses missions directes et induites : nous sommes par conséquent convaincus que l’école n’est pas qu’un lieu d’instruction mais a sa part à prendre dans tous les défis de la société.