Une réforme de la voie professionnelle venue d’en haut vue d’en bas

La mise en place de la réforme de la voie professionnelle se poursuit avec la parution des nouveaux programmes. Regard critique sur la nouvelle mouture du programme d'histoire-géo EMC et de français (Seconde-bac pro et première année de CAP)

Vu d’en bas : profil bas et pragmatisme

La réforme de la voie professionnelle est entrée dans sa phase d’application dans les établissements. Les IPR font des tournées d’explicitation visant à mobiliser les enseignants autour de la co-intervention et du chef-d’œuvre. Invités à innover et à s’investir pour la grande cause de la réforme, les collègues font pour la plupart, profil bas, attendant de savoir à quelle sauce sera mitonné un emploi du temps qui implique d’aligner, sur un créneau commun, enseignement général et enseignement professionnel. Avant de réfléchir aux contenus de cette co-intervention, les collègues anticipent plutôt sur le partenaire de cette modalité nouvelle et inédite en allant jusqu’à constituer le hit-parade du (des) collègue(s) avec lesquels ils souhaitent ou ne souhaitent pas collaborer.

Cette phase n’a évidemment pas grand-chose à voir avec les objectifs d’une réforme venue d’en-haut et sans concertation avec « les ressources humaines » qu’elles mobilisent. Les collègues craignent les arbitrages des chefs d’établissement chargés de traduire dans le concret du temps et de l’espace des lycées professionnel les points sensibles de la rénovation.

En français : une logique utilitariste

Les nouveaux programmes de français, d’histoire-géographie et d’EMC sont parus simultanément au BO n° 5 du 11 avril 2019. Un survol des textes, indique assez clairement que les programmes sont une réduction et volume et en esprit de leurs moutures précédentes. L’esprit du programme de français est fortement teinté d’utilitarisme ce que souligne le préambule « le français apporte une contribution décisive à l’enseignement professionnel ». Le terme de contribution est plus restrictif que celui d’accompagnement qui prévalait jusque-là et implique une obligation de réussite que l’adjectif « décisif » renforce significativement.

Tout ceci invite à la vigilance pour ne pas faire du professeur de lettres-histoire un prestataire de service : réalisation de CV, correcteurs de rapports de stage, formation à l’entretien d’embauche etc. Le risque est grand de voir les apports littéraires et culturels devenir des éléments annexes d’un enseignement artificiellement rattaché à la pratique.

En histoire-géo-EMC : une nette cure d’amaigrissement

L’enseignement de l’histoire-géographie n’est pas en reste dans la mesure où le programme a perdu deux sujets d’étude sur quatre en classe de seconde tout en visant globalement les mêmes compétences que dans les versions antérieures. La cure d’amaigrissement est nette et ne manquera pas d’impacter l’image d’une discipline dont on vante par ailleurs l’importance culturelle tout en la reléguant à la portion congrue. Il ne s’agit certes pas de défendre un pré carré mais de s’inquiéter pour l’avenir d’un champ de connaissances pourtant essentielles à la compréhension des thèmes d’actualité. L’unique sujet d’étude de l’EMC « liberté et démocratie » comporte deux sous-rubriques intitulées « La Liberté, nos libertés, ma liberté » (belle euphonie) et « La laïcité » (bel unicum). Les laïcs que nous sommes n’ont plus que yeux pour pleurer et leurs doigts pour écrire le nom de liberté (pédagogique) sur le tableau noir des lycées traditionnels ou les écrans bleus des lycées numériques.

Nous ne manquerons pas de rendre compte des épisodes suivants de cette réforme dont les retombées concrètes sont reçues d’une manière plutôt tiède et embarrassée par les acteurs de terrain.

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